La méthode Tomatis permet de muscler son écoute, de faciliter son apprentissage des langues, de lutter contre la dyslexie et même d’augmenter son sentiment de bien-être. Explications.
Texte Pierre Wuthrich
Aussi appelée audio-psycho-phonologie, la méthode Tomatis a pour but de combler les lacunes dans le spectre de l’audition de chaque individu.
Partant du principe que l’audition et la phonation sont étroitement liées, le médecin français Alfred Tomatis a développé dès 1957 une discipline – l’audio-psycho-phonologie – qui est aujourd’hui dispensée dans des centaines de centres à travers le monde. Plus connue sous le nom de méthode Tomatis, cette thérapie avance que la voix contient uniquement ce que l’oreille entend. Forts de cette loi, les défenseurs de la discipline estiment que les champs d’application sont nombreux, allant des problèmes de communication à l’apprentissage des langues étrangères. «Une pédagogie de l’écoute» «Il ne s’agit pas d’une médecine de l’oreille, prévient Christine Luthi, consultante au centre Tomatis de Lausanne, mais bel et bien d’une pédagogie de l’écoute.» Praticienne en relation d’aide formée par Rosette Poletti, Christine Luthi a dû suivre un cursus séparé avant de pouvoir recevoir ses premiers patients. C’était en 2006. Depuis, elle a aidé des centaines d’enfants et d’adultes à se sentir mieux dans leur peau. Chaque cure commence par un test d’écoute. La personne est alors invitée à porter un casque et à indiquer de quel côté elle entend des sons de différentes fréquences. Le procédé se répète mais cette fois avec un casque émettant des vibrations. Au final, le thérapeute est apte à saisir les lacunes dans le spectre de l’audition «personne n’a une écoute parfaite», indique Christine Luthi et à dresser un profil de l’individu.
Ensuite, le traitement commence véritablement grâce à ce qu’Alfred Tomatis a baptisé «l’oreille électronique». Il s’agit en fait d’un appareil qui va distordre de la musique (du Mozart essentiellement) en alternant les fréquences graves et aiguës – ces dernières demandant un effort d’accommodation certain à l’auditeur. Ce faisant, l’oreille est soumise à une gymnastique auditive et apprend ou réapprend à écouter.
Précisons encore que dans un premier temps, les séances sont passives et que le curiste peut se détendre ou jouer (s’il s’agit d’un enfant). Dans un second temps, le patient acquiert par contre un rôle actif et doit répéter ce qu’il entend ou lire un texte à haute voix.
En tout, le traitement se divise en deux séries de dix jours, à raison de deux heures par jour, qu’il est possible de prolonger. Remboursée par plusieurs assurances-maladie complémentaires, la méthode demande surtout un investissement en temps important. «C’est vrai, admet Christine Luthi, mais le jeu en vaut la chandelle puisqu’on obtient très vite des résultats.»
Des longueurs d’ondes différentes pour chaque langue
Les résultats justement, parlons-en. Dans le cas de l’apprentissage d’une langue étrangère, il est admis que les différents idiomes n’ont pas les mêmes fréquences. Si le français demande une écoute entre 1000 et 2000 hertz, l’anglais se situe plutôt entre 2000 et 12 000 hertz. On comprend donc facilement que le fait d’étendre son spectre permet de mieux comprendre un Londonien par exemple.
Quant à la difficulté que rencontrent certains enfants à se concentrer, il semblerait que l’audio-psycho-phonologie apporte une aide, souvent couplée avec un travail avec des logopédistes. Là aussi, le fait de mieux distinguer les différents sons apporterait de l’assurance à l’écolier. D’une manière générale, la méthode Tomatis doit également générer un sentiment de mieux-être à ceux qui l’ont pratiquée. «La musique filtrée ressemble à ce qu’entend un fœtus dès 4 mois et demi, lorsqu’il y avait une communication permanente avec la maman», assure Christine Luthi. Cet effet rendrait le curiste moins agressif et plus confiant.
Et si les preuves scientifiques font défaut, un point joue en faveur de la méthode. «Elle existe depuis des décennies. S’il n’y avait pas d’effets positifs, cela fait longtemps que nous aurions disparu.»T
Témoignage
Valérie* a franchi les portes du centre Tomatis de Lausanne pour la première fois il y a plus de dix ans. «Mon fils rencontrait des problèmes d’apprentissage de la lecture, j’ai donc cherché une solution efficace qui pourrait l’aider. Après le premier test d’écoute, la psychologue du centre a très bien su cerner les difficultés de mon enfant. Cela nous a mis en confiance.»
Cette méthode place les individus dans un terrain propice à l’apprentissage
Après deux séries de deux semaines de cure, les premiers effets ont pu être observés: «C’était comme si Jean* avait été propulsé dans un catalyseur lui permettant de prendre confiance en lui, de devenir plus mature et, dès lors, j’avais en face de moi un petit ado.» Et qu’en est-il des difficultés de lecture? «Pour moi, la méthode Tomatis a ceci de positif qu’elle met les individus dans de bonnes dispositions, elle les place dans un terrain propice à un apprentissage. Alors oui, nous avons par la suite suivi des séances de logopédie, qui ont avantageusement complété le traitement, car il s’est avéré que mon fils souffrait d’une dyslexie légère. Aujourd’hui, il a trouvé sa place dans la société et a réussi à acquérir de bonnes connaissances dans les langues étrangères.»
Du coup, toujours avec la volonté de soutenir ses enfants dans leur parcours, Valérie a initié ses deux autres enfants, qui avaient tendance à être hypersensibles, à la méthode Tomatis. Là aussi, les cures ont permis de les extraire de leur cocon. «C’est très efficace et, surtout, il s’agit d’une méthode respectueuse de la personne. A part durant le test d’écoute, il n’y a pas d’intervention extérieure d’un thérapeute qui évalue autrui. Ce n’est vraiment pas invasif. Enfin, il s’agit d’une thérapie sûre. Dans le pire des cas, les résultats escomptés ne sont pas obtenus, mais au moins on s’est donné une chance d’éviter la prise de médicaments censés soigner l’hyperactivité ou des passages à vide.»
* Identités connues de la rédaction.
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